Elle m’a souvent accompagné, parfois même tous les jours, quand je trainais mes savates dans la ville des sacres. Les longs soirs d’Aout l’ombre de sa silhouette s’allongeait à n’ en plus finir sur le parvis, noyant les nombreux touristes dans une pénombre sacrée.


Ses archivoltes s’envolant comme une fusée, comme pour rappeler a l’équipage de la mission Apollo que bien avant eux, elle avait déjà atteint les cieux. L’armée céleste qui la ceinturait de sourires aux ailes déployées montait la garde, j’étais dans de bonnes mains…

Elle m’a fait vivre des moments d’une joie si intense et si intérieure a la fois que les décrire serait inutile. J’en sortais a chaque fois bouleversé, le souffle haletant, la tête encore pleine du chatoiement du soleil qui transperçait les grandes baies de la basse-voie du déambulatoire.

Je me rappelle encore avoir écouté en catimini les concertos pour mandolines de Vivaldi avec mes ecouteurs alors que la lumière inondait la nef, moi assis, la main sur la base d’un pilier, je vibrais comme une feuille de bouleau secoué par un vent chaud d’été.


Elle m’a accompagné aussi dans mes moments de douleur, elle était mon refuge, mon blindage, ma carapace, celle qui comprenait mes peines et qui me protégeait. Il m’est arrivé de mouiller son dallage de mes larmes, en secret, dans l’obscurité d’une chapelle latérale des croisillons.

Je me rappelle étant gamin, de l’appartement au 8 ème étage où j’avais mes cours de catéchisme, j’apercevais par la fenêtre cette grosse masse sombre dominer la cité de ses presque 8 siècles, elle m’attirait comme un aimant, si proche et si lointaine… Je me jurais qu’un jour je travaillerais a ses pieds.
Le futur m’allait donner raison.
Quelques années plus tard après en avoir fait plusieurs maquettes, l’avoir étudiée en profondeur et l’avoir visitée des centaines de fois, je réussissais mon admission sur concours à la caisse nationale des monuments historiques et des sites (maintenant la réunion des monuments nationaux), j’étais étudiant à l’école des beaux arts dans la rue Libergier qui fait sa ligne droite dans le prolongement de son axe au même moment.

Mon rêve était réalité !

Je l’ai fait découvrir a des centaines, surement des milliers de personnes venues rien que pour elle, en parlant d’elle sans jamais la trahir, comme on parle d’un ami très proche, d’un confident. Jamais je ne l’ai réduite à une succession de chiffres et de dates, toujours j’en ai parlé avec passion, avec tout mon cœur.

Elle est mon inspiratrice depuis toujours et grâce à elle j’ai découvert que derrière les pierres et leur histoire, il pouvait y avoir bien plus…

A la côtoyer quotidiennement, les choses auparavant juste aperçues qui m’étaient familières semblaient avoir leur propre résonnance, comme si tout voulait dire quelque chose, comme un message a double lecture, une encre litho-sympathique. Là sous mes yeux depuis des années, après un apprentissage annexe long et difficile et toujours en cours d’ailleurs, je commençais à voir la symbolique sacrée devenir une évidence. Point de hasard, tout était comme une partition, orchestré, régit autour de chiffres symboliques, de rythmes, de couleurs, d’images.

Cherche, et tu trouveras… Frappe et on t’ouvrira.

Ce cheminement personnel m’avait amené à la porte de la loge, j’avais déjà et sans le savoir commencé à tailler ma propre pierre, les premiers coups de ciseau d’une longue tache que je savais ne finir que le jour de ma dernière heure. Cette symbolique que j’avais commencé à entrevoir, se découvrait peu a peu, plaçant la condition humaine au centre de ma vie, m’aidant comme un ciseau aide le tailleur, à ciseler les facettes de cette pierre qui me fait homme.

Elle est à 20 000km de moi désormais, elle ne m’a jamais autant manqué… Ses deux tours et son ange au sourire n’embellissent que ma mémoire et plus mon ciel, sa fraicheur en été et sa douceur en hiver, ne me font frissonner que dans mes rêves, mais elle est la, ancrée comme un bateau au port, au plus profond de moi-même.

La Cathédrale de Reims.

Photos: Christophe Jannin, automne 2007


One Comment to “Mon refuge, mon blindage, ma carapace.”  

  1. 1 Vincent

    Quelle belle écriture pour définir cette géante dentelle de pierres et de symboles qui sont ancrés dans tes plus profondes pensées et qui définissent l’altruiste passioné que tu es !

    Merci pour ce beau moment de lecture toujours aussi sensible et émouvant …..

    Christophe, lances toi dans l’écriture d’un seul élan et exploites donc ce beau talent qui t’es donné !